Samain 2016
L'autel des ancêtres sous le chêne.
L'Automne.
Autour de nous des forêts s'embrasent de teintes cuivrées, jonchant les places et les chemins de taches de rousseur.
La pompe est grandiose, c'est une apothéose... et la mort n'est pas loin:
Ici et là, déjà, quelques branches se décharnent, de gros hortensias pourrissent sous les averses. L'eau ravine entre les pavés de ma cour.
Le froid s'est infiltré, jour après jour, insidieusement. Avec lui, l'obscurité triomphante nous plonge peu à peu dans la torpeur de l'hiver.
Alors nous nous rapprochons les uns des autres dans les cuisines pleines de vie, dans les pièces chaudes, devant les poëles, les feux. Nous cueillons les pommes, faisons parfois des conserves. Chassons.
Comme la persistance d'un instinct lointain, profond, à se préparer au grand repos de la terre.
Le nez à la fenêtre, on voit le dénuement qui s'installe et prend possession des lieux. Au dessus des toits, l'âme des maisons monte en colonnes de fumée.
Dans ce retranchement des foyers, se murmure un manque, un souvenir: ici un fauteuil est vide, sur la table, un couvert manque, là-bas, un regrêt, profond comme une cicatrice. Mais aussi, souvent, l'acceptation simple devant l'imuabilité des destinées mortelles des hommes. Celà fait moins d'un an, le corps de ma grand-mère était couché en pleine terre. Les fleurs prospèrent sur sa tombe.
Nos morts,
mangés par l'humus ou volant depuis longtemps à l'état de poussière, il ne nous reste d'eux que leur souvenir et, en ce qui concerne nos ancêtres, leurs gênes, notre héritage bien vivant.
Ainsi, naturellement, Octobre nous invite à se tourner vers le monde des morts.
Tombant sur mon cadavre -
La neige."
Aratika Moritake ( 1452-1549)
Alors, les enfants arrivent en portant des lanternes sculptées . Des légumes de saison, couleur de feu, rondes et colorées comme des soleils incandessants.
Et ainsi débute cette nuit de Samain...
* * *
Le vieux hangar agricole est décoré pour l'occasion de drapeaux et de guirlandes lumineuses. Les tables et les bancs sont installés, le repas est délicieux et brûlant.
En bout de table, symboliquement, la place du mort.
Les temps solennels, les mots justes laissent place aux jeux dans le noir, aux chants, aux pâtisseries de la veillée.
Nos jeunes enfants tombent endormis dans les bras de ma soeur. Ils sont notre éternité.
* * *
en détail...
L'après-midi a été consacré aux préparatifs. Les citrouilles et les pommes que l'on trouve partout dans le jardin de la maison familiale sont les reines de la fête.
Pour les sculpter, je réalise que j'utilise toujours la même gouge. De bonne qualité, elle est formidable, précise et coupante comme un rasoir. Elle est belle. J'adore cet outil.
Gouge de linogravure en V (6mm).
Les citrouilles grises sont factices. Trouvées chez Emmaüs pour deus sous, elles ont été poncées et repeintes.
Elles trônent désormais dans mon entrée jusqu'à ce que les décors de Noël ne les chassent.
De magnifiques spécimens créés et ornés par Dame Nature (avec sa fantaisie inégalée!)
Il est indispensable, surtout quand on vit en ville, de garder un lien avec le travail des jardins. En Septembre et Octobre, il y a une quantité considérable de fêtes organisées par des villages ou des particuliers (ici des châtelains ayant à coeur de faire vivre leur château): Fêtes de la vigne et des vendanges, fête des pommes (degustation des premiers jus sortis des pressoirs), et fêtes des citrouilles...