Galette, couronne et Epiphanie.

Chaque année ces questions reviennent:

"Mais vous  fétez comment Noël vous les païens?",  "mais vous mangez aussi des galettes?"

Souvent, avouons-le, on en reste coi... Parfois, nous aurions envie d'éclater de rire!

Mais il ne faut pas.

Il ne faut pas car je n'oublie pas que la France est chrétienne depuis 1500 ans, et que c'est encore le catholicisme la norme, la référence, la pratique communautaire la plus logiquement, et légitimement envisagée, puisque c'est celle qui est arrivée jusqu'à nous. Par elle, et surtout "malgré" elle, que nous pratiquons encore ces rites, si forts, qu'ils n'ont pu être effacés.

Je n'oublie pas que mes aïeux allaient à l'église et à la messe de minuit... et mangeaient des galettes à l'Epiphanie, sans exactement savoir pourquoi.

Mais peu importe, car ils pratiquaient.

Ils chantaient, récitaient, égrénaient des chapelets et... tiraient les rois lors de grandes tablées recouvertes de nappes blanches.

Ils n'étaient pas spirituels, mais croyants.

De cette foi toute simple du charbonnier qui ne laisse personne sur le parvis.

Et souvent même, plus pratiquants que croyants,

car ils étaient profondément liés les uns aux autres dans ce carcan de traditions et de célébrations aux vertues sociales si précieuses.

Ils communiaient ensemble, répétant des gestes venus du fond des âges:

Comme celui de faire un gâteau et d'inviter ceux que l'on aime, d'y cacher une fève de porcelaine, et de demander au plus jeune de se cacher sous la table, de distribuer les assiettes, puis de s'enthousiasmer devant celui qui aura eu la chance tant convoitée de poser une couronne de carton sur sa tête.

Cette simple description suffirait pour montrer le caractère profane et profondément païen de cette tradition de la galette, indépendamment même des origines historiques. Car joyeuse, riche, gourmande et sensuelle (dans les sens qu'elle fait appel aux sens) elle est profondément ancrée dans la vie et ses plaisirs.  Et les familles se la transmettent de générations en générations tant il est vrai que les souvenirs olfactifs et gustatifs sont les plus durables et les plus puissants.

Des parfums d'enfance, comme une langue maternelle.

Galette chez Grand-père et grand-mère avec les cousins.

Ainsi la tradition de se partager une galette le 6 Janvier pour élire un roi nous vient de l'Antiquité.

En effet, à cette date les Romains célébraient les Saturnales, (une fête bien plus bon enfant que son nom le laisserait à penser!)

 C'était une de ces fêtes carnavalesques, où l'ordre et la hiérarchie étaient renversés.  On tirait au sort,  les rois d'un jour que l'on appelait alors

les " Maître des Saturnales ou Rois du Désordre!

 Ainsi parfoit, un simple soldat se retrouvait à commander toute une garnison ou un esclave, son propre maître!

Mais quand le sort est taquin, c'est la tenante de l'autorité, la reine -mère en personne qui trouve la fève!

Un jeune roi fringant équilibrera alors un peu la situation...

Malgré trois énormes galettes et un nombre de convives à l'avenant, nous n'avions placé qu'une seule fève pour toute l'assemblée.

N'y a -t il pas qu'un seul roi en un Royaume?

La seule justification à mettre trois fèves eut été de considérer les trois Rois Mages comme origine de cette tradition,

or...

... L'Epiphanie, est encore une fête de la lumière.

"Il n'est de religions qu'en regard de la lumière" (Michel Onffray)

La fête de l'Epiphanie a lieu exactement 12 jours après Noël.

Or, ces 12 jours furent toujours un temps à part, suspendu.

Un temps d'attente où bien que le solstice soit passé, les jours semblent figés et ne semblent pas vouloir se rallonger.

Mon grand-père flamand m'avait une fois raconté que, lors de cette période, il ne fallait rien faire à la ferme, rien entreprendre, mais attendre.

Attendre quoi?

La fin du cycle de Noël pardi!

"le douzième jour de Noël j'ai reçu de mon ami...."

(Ravissante comptine de Noël d'origine anglaise pour les enfants. En français et chantée par Henri Des, elle est de venue un classique de nos chansons d'Avent. A découvrir ici:   clic!

Mais pourquoi 12 exactement?

Le nombre 12 a une valeur symbolique très forte. Il représente un tout, une unicité, un monde entier.

12 commes les heures, 12 comme les mois, 12 comme les épis de blé dont on garde un bouquet chez soi comme autant de porte-bonheur pour l'année à venir ...

  12 comme l'Olympe:

Les 12 Dieux de l'Olympe étaient dit "épiphanes", ils s'incarnaient pour appaître aux hommes.

(Zeus, Héra, Poséidon, Athéna, Arès, Déméter, Apollon, Artémis, Héphaïstos, Aphrodite, Hermès, et Dionysos.)

Le mot Epiphanie vient du grec, et son utilisation est bien antérieure au christianisme. Il signifie "illustre, éclatant" et "briller " (Wikipédia) et prit le sens précis d' "apparition" divine.

Ces 12 jours sont aussi le temps du rattrapage entre le calendrier solaire et le calendrier lunaire:

(Le premier calendrier romain était le calendrier lunaire dont les mois durent 29,5 jours entre deux nouvelles lunes. Il dure 354 jours.

Jules César en instaura un nouveau: le calendrier solaire, fait des mois plus longs que nous connaissons.

Ces deux calendriers, basées sur les astres, reposent bien sur des élements tangibles de la nature. Mais un décalage de presque 12 jours entre ces deux calendriers interpelle:

Ainsi donc ces 12 jours pourraient être une exlication à ce temps d'attente.

Car le soleil n'attend -il pas sa compagne la Lune?

D'astre il est aussi question dans la forme de la galette:

Ronde et dorée, elle est en forme de disque solaire.

(comme le seront aussi les crêpes dans quelques jours!)

Considérer que la forme de ces pâtisseries seraient un pur hasard, montrerait une méconnaissance totale de la manière de penser de nos aïeux.

Nos ancêtres faisaient toutes formes de pains, pâtés et patisseries aux formes très variées selon les moments de l'année.

Il y a la bûche de Noël ou les oeufs de Paques pour les plus connus.

Mais il y a aussi les plus dérangeantes formes phalliques que l'on trouve dans certaines régions françaises au printemps, (aux Rameaux bien souvent).qui sont des vestiges de très vieux cultes de fertilité.  Comme ici: clic!

Ce goût pour la forme se retrouve dans bien dautres domaines multiples et variés.

Et par exemple en herboristerie. Ils observaient les plantes, et selon les couleurs et leurs formes, les assimilaient aux organes malades et en déduisaient les vertus bénéfiques pour soigner tout sortes de maux.

***

Le cycle des douzes jours de Noël s'achevant dans les miettes de pâte feuilletée et de frangipane (région d'oïl oblige!), il est logique de profiter de cette date pour retirer les décorations de Noël.

Personnellement, si je retire toutes les décorations, je laisse très souvent le sapin, nu, quelques semaines encore.

Avoir un arbre dans sa maison est quelquechose qui m'émerveillera toujours...

Un beau travail d'équipe chez grand-mère!

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"Le principal danger qui guette le Paganisme, c’est l’intellectualisme de la gratuité, la « pensée », idolâtrée pour elle-même, desséchée et abstraite, para-universitaire, déconnectée du réel et des impératifs de l’urgence. Le Paganisme n’est ni dissertation savante, ni « connaissances » froides, mais attitudes pour l’action. Pour moi, il est immersion dans la vie, pratique qui transforme le monde."

Guillaume Faye

Comments

[Abeille]

Très belle synthèse, c'est clair, didactique... une bonne approche pour vivre son paganisme au quotidien et non pas de contenter de le penser.

[Ysa]

Merci pour cet article ! Autant pour sa poésie que les informations. C'est un véritable plaisir de s'immiscer dans votre univers grâce à vos photos et vos textes.